chapitre 4: la morphologie
chapitre 4: la morphologie
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chapitre 4: la morphologie
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le texte peut aussi
être lu de façon suivie.
qu'est-ce que c'est que la morphologie?
critères en morphologie
derrière la terminologie
à la recherche des morphèmes
morphèmes libres et liés
flexion et dérivation
morphologie de l'oral et de l'écrit
les allomorphes
la morphologie du genre
l'association entre terminaison et genre
la morphologie verbale
la morphologie comme trait distinctif
à lire
qu'est-ce que c'est que la
morphologie?
la morphologie s'occupe des plus petites unités de
forme
et de sens,
qu'on appelle les morphèmes. à un
moment donné, il existe un
nombre fini de morphèmes dans une langue, qui constituent
en
quelque
sorte les briques qu'on utilise pour faire les phrases. or,
puisqu'il
s'agit d'unités de forme et de sens, il faut
étudier
les deux aspects:
d'un côté, nous verrons comment on peut classer les
morphèmes du
point de vue de leur forme et de leur fonctionnement, et d'un
autre
côté, nous esssayerons de saisir comment les
morphèmes d'une langue
(ici, le français) structurent notre façon
d'exprimer
la réalité.
car il faut reconnaître une chose importante dès le
début: les
morphèmes sont des entités très abstraites
qui
forment dans leurs
oppositions une extraordinaire architecture
mentale qui nous
permet d'exprimer la réalité. nous les utilisons
sans
toujours saisir
cette complexité.
début.
critères en morphologie
comme les autres linguistes, les morphologistes ont des outils
spéciaux
pour manipuler l'objet qu'ils étudient. les
critères
les plus
utilisés sont le sens, la
forme et la distribution.
nous allons illustrer les trois en nous servant d'un exemple bien
connu:
les parties du discours.
les critères traditionnels des parties du discours sont
d'ordre
sémantique, comme on peut voir par les exemples suivants.
un nom se définit comme un mot qui
nomme
une personne, un lieu,
une chose ou un concept.
un verbe se définit comme un mot qui
nomme une action.
un adjectif se définit comme un mot
qui
nomme une qualité.
ces critères sémantiques ne sont pas faux, mais
ils sont difficiles à
utiliser seuls, puisqu'ils sont assez imprécis. par
exemple, un nom comme arrivée désigne une
action, et un nom
comme rougeur désigne une qualité. c'est
pour cela que nous
avons tendance en linguistique à utiliser en même
temps
les critères de forme et de distribution.
prenons le cas des noms. qu'est-ce qu'il y a dans le
fonctionnement des
noms qui les distingue des verbes? du point de vue de la forme,
les
noms peuvent prendre le nombre singulier ou
pluriel, mais non pas
la personne ou le temps. par
contre, on trouve les trois
caractéristiques dans les verbes. du point de vue de la
distribution,
les noms peuvent suivre un déterminant (ex. le cahier,
cette table,
ma soeur), mais non pas un pronom (ex. *je cahier, *tu
table,
*elle soeur). par contre, les verbes peuvent suivre un pronom
(ex.
je marche, tu pars, elle travaille) mais non pas un
déterminant (ex.
*le marche, *cette pars, *ma travaille).
si on étend l'analyse aux adjectifs, on constate qu'ils
se rangent en
partie du côté des noms. un adjectif peut varier en
nombre (ex.
grand, grands), mais non pas en personne ou en temps. de
même, les
adjectifs peuvent suivre un déterminant, mais non pas un
pronom (ex.
le petit, *je gros). mais dans ce cas, qu'est-ce qui
distingue les
adjectifs des noms? une différence, c'est que les
adjectifs
peuvent
suivre un adverbe de degré ou un adverbe d'aspect: on peut
dire
très petit, assez gros, toujours rond, mais les noms
n'ont pas cette
possibilité (*très chaise). une autre, c'est
que les adjectifs
peuvent varier en nombre et en genre (ex. petit,
petites),
ce qui
n'est pas le cas pour les noms (sauf les noms d'êtres
animés, qui
peuvent varier en genre pour indiquer le sexe).
une autre partie du discours est l'adverbe
comme bientôt,
hier, là. qu'est-ce qui distingue les adverbes des
adjectifs? entre
autres choses, les adverbes ne s'accordent pas en genre ou en
nombre:
ils sont invariables. en outre, un adverbe peut
suivre un verbe
(ex. elle travaille là) tandis qu'un adjectif suit
(ou parfois
précède) un nom (ex. un cahier bleu, un petit
cahier).
exercice: trouvez des critères formels et
distributionnels pour
identifier les prépositions, les
conjonctions et les
pronoms.
début.
derrière la terminologie
en morphologie, il faut connaître la terminologie
traditionnelle, pour
la simple raison qu'on s'en sert, dans les dictionnaires et dans
les
grammaires, par exemple. mais il ne faut pas oublier qu'il
s'agit
de
simples étiquettes qu'il ne faut pas prendre pour des
réalités. il
faut toujours essayer d'identifier les classes naturelles sur la
base
des critères sémantiques, formels et
distributionnels.
on peut voir l'importance de cette distinction dans le cas des
déterminants. prenez les exemples suivants:
le
la
les
sont des
articles définis
un
une
des
sont des
articles indéfinis
mon
ma
mes
sont des
adjectifs possessifs
ce
cette
ces
sont des
adjectifs démonstratifs
or, même au premier coup d'oeil, il est évident
que
les membres de
cette liste ont quelque chose en commun. dans tous les cas, on
trouve
une forme masculine singulière, une forme féminine
singulière et une
forme plurielle. du point de vue de la distribution, on constate
que
tous ces éléments peuvent précéder un
nom (ou un adjectif). et
pourtant, dans la terminologie traditionnelle, on appelle les
deux
premiers membres de la liste des articles et les
deux derniers des
adjectifs. ce qui est pire, c'est que les
`adjectifs' possessifs
et démonstratifs ne satisfont même pas aux
critères des adjectifs,
dans le sens qu'on ne peut pas mettre un adverbe de degré
devant une
forme de la sorte (ex. *très mon cahier).
on voit donc que la terminologie traditionnelle correspond
assez
mal à
la réalité linguistique. c'est à cause de
cela
que les linguistes
utilisent un autre terme pour nommer les quatre sortes de formes:
on les
appelle des déterminants, puisqu'ils
déterminent un nom.
début.
à la recherche des
morphèmes
prenez les listes suivantes:
acheteur, fleur, danseur, acteur
cuisinette, cigarette, toilette, fillette
prenons la forme eur dans la première liste.
s'agit-il d'un
morphème dans tous les cas? on peut le déterminer
en
demandant
si la même forme est présente dans tous les cas;
si cette forme porte le même sens dans tous les cas;
si cette unité de forme et de sens se trouve dans au moins
un autre
contexte.
or, on constate que dans acheteur et danseur
la
forme
eur signifie `une personne qui fait l'action indiquée
par le verbe'.
cette unité de forme et de sens se trouve dans ces deux
contextes, et
dans d'autres aussi (vendeur, buveur, lanceur etc.). il
s'agit
donc d'un morphème. par contre, dans le cas de
fleur, la suite de
lettres eur n'a pas de sens. seul la suite totale
fleur
signifie quelque chose. eur n'est donc pas un
morphème dans
fleur.
le cas d'acteur est un peu plus complexe. on est
tenté de voir
dans eur la même unité qu'on a vue dans
acheteur et
danseur. mais dans ce cas, quel serait de statut de
act-? on
peut voir dans acheteur et danseur les verbes
acheter
et danser. mais quel serait le verbe correspondant
à
acteur? serait-il agir? dans ce cas il y a une
différence de
forme. on voit qu'ici nous avons le sentiment d'un suffixe, sans
pouvoir saisir la base. (en fait, on entend parfois la forme
créée
acter, où on a refait un verbe à partir de
la
forme en
-eur.)
passons à la deuxième liste. dans le cas de
cuisinette et de
fillette, nous avons le sentiment que -ette
s'ajoute à un
nom pour signifier `un x qui est petit': ainsi, une cuisinette
est
une
petite cuisine, et une fillette une petite fille. mais passons
à
cigarette. historiquement, il s'agit d'un petit cigare, mais
ce
sentiment n'est pas partagé par les locuteurs actuels, qui
voient dans
cigarette une unité. il en va de même pour
toilette:
historiquement, il s'agit d'une petite toile utilisée pour
tenir les
produits de maquillage. par la suite, on a étendu le nom
à la pièce
où on avait l'habitude de se maquiller. donc, en
français moderne, il
faut analyser cigarette et toilette comme des
unités.
ces deux exemples illustrent un principe important: il faut
étudier une
langue à un moment donné. l'histoire de la langue,
inaccessible à la
plupart des locuteurs, et sans importance pour la communication,
n'entre
pas en ligne de compte.
exercice: identifiez les morphèmes dans les mots
suivants:
page, découpage, démon, coupure, facture.
début.
morphèmes libres et liés
les morphèmes sont de plusieurs sortes. voyez, par
exemple, les formes
en italique et en gras dans la liste suivante:
tables
grandes
souvent
marcherait
vendeur
incomplet
les formes en italique sont des morphèmes
libres ou des
bases lexicales. on peut les trouver seuls, et on peut
en
ajouter de
nouveaux à une langue (en les empruntant à d'autres
langues par
exemple). par contre, les formes -s, -es, -erait, -eur,
in-
sont
des morphèmes liés ou des
affixes. ils n'arrivent pas seuls
dans le discours, et la liste des morphèmes liés
est
en principe fermée:
il est rare d'ajouter une nouvelle terminaison ou un nouveau
préfixe ou
suffixe à une langue.
exercice: identifiez les morphèmes libres et
liés
dans la liste suivante:
industriel, tombé, certainement.
début.
flexion et dérivation
prenons le mot vendeurs. nous pouvons identifier
trois
morphèmes
dans ce mot: vend = `donner en échange d'argent',
-eur =
`quelqu'un qui fait l'action indiquée dans la base
verbale',
et
-s = `pluriel'. la forme du mot vend + eur + s nous
indique
qu'il y a des couches de formation à partir de la base.
le
suffixe
-eur s'ajoute d'abord pour transformer une base verbale
vend
en un nom vendeur. ensuite, l'élément de
flexion -s
s'ajoute au nom vendeur pour faire un nom pluriel.
on constate que le premier ajout change la catégorie
grammaticale et
aussi l'identité du mot: vendeur n'est pas le
même mot que
vend. par contre, le deuxième ajout ne change ni la
catégorie
grammaticale, ni l'identité du mot: vendeurs et
vendeur
sont deux formes du même mot.
sur la base de cette différence, nous distinguons deux
types
d'opération morphologique. il y a les opérations
qui
donnent des mots
nouveaux (l'ajout de suffixes, de préfixes, etc.) qu'on
classe dans la
morphologie dérivationnelle, et
il y a les opérations qui ne
donnent pas des mots nouveaux (comme l'ajout des marques du
pluriel, ou
bien les terminaisons verbales), qu'on classe dans la
morphologie
flexionnelle. nous examinerons les deux à tour
de
rôle. notons
cependant pour le moment qu'il existe dans les langues du monde
une
tendance à placer les morphèmes de flexion
après (à l'extérieur)
des morphèmes dérivationnels.
début.
morphologie de l'oral et de
l'écrit
quand on fait de la morphologie, il faut bien distinguer les
niveaux
oral et écrit. les opérations et les
morphèmes changent d'un
niveau à l'autre. prenons quelques exemples:
notez que le pluriel est indiqué deux fois à
l'écrit, par les deux
s, et une seule fois à l'oral, par le changement
de
[]
à [e]. prenons un autre exemple:
je
marche
[
mar]
tu
marches
[ty
mar]
nous
marchons
[nu
mar]
vous
marchez
[vu
mare]
ils
marchent
[il
mar]
ici encore, il y a plus d'indices de la personne à
l'écrit qu'à
l'oral. à l'écrit, le pronom personnel change,
ainsi
que la
terminaison verbale. à l'oral, seul le pronom change,
sauf
à la
première et à la deuxième personne du
pluriel.
et à la troisième
personne, l'oral ne fait pas de différence entre le
singulier et le
pluriel.
des exemples précédents, il y a deux conclusions
à tirer, qui se
confirment ailleurs en français:
il existe plus d'indications morphologiques à
l'écrit qu'à
l'oral. en d'autres termes, l'écrit est
redondant: il
présente plus de marques que nécessaire, sans doute
à cause du fait
que dans un texte écrit, le scripteur n'est pas là
pour expliquer en
cas de confusion. l'oral est plus économique, sans doute
parce que
le locuteur est là pour expliquer au besoin.
à l'oral, il y a une forte tendance en
français à mettre les
marques morphologiques au début des suites (dans le
déterminant ou
dans le pronom personnel) plutôt qu'à la fin.
là encore, il s'agit
d'une mesure d'économie: on retient plus facilement le
début des
mots que la fin.
exercice: dans chacun des exemples suivants, identifiez les
marques
du genre, d'abord à l'écrit, ensuite à
l'oral:
de telles questions,
toutes les voitures perdues.
début.
les allomorphes
en phonologie, nous avons vu que le même phonème
peut se manifester
dans plusieurs formes différentes, sans que cela change le
sens. par
exemple, il existe plusieurs prononciations possibles pour le [r]
en
français. on les appelle des allophones.
or, on trouve la même chose au niveau des morphèmes.
il s'agit de formes
diverses ayant exactement le même sens, et dont la forme
dépend de
facteurs contextuels. on parle alors d'allomorphes. voyons un
premier cas:
[inaksptabl] `inacceptable'
[truvabl] `introuvable'
[immral] `immoral'
[immbil] `immobile'
[mabl]
`immangeable'
[psibl] `impossible'
[byvabl]
`imbuvable'
[illik]
`illogique'
[irrel]
`irréel'
dans tous les cas, il y a un mot de base (acceptable,
trouvable,
mangeable, etc.) auquel on ajoute un préfixe
négatif. ce qui est
inacceptable est non acceptable, ce qui est
introuvable
est non trouvable, et ainsi de suite. mais ce préfixe
varie
selon la
base. au niveau oral, on trouve [], [in], [il] et
[ir].
qu'est-ce qui détermine le choix entre les
différentes variantes?
examinons les mots de base. on trouve [il] devant un mot qui
commence
par [l], [ir] devant un mot qui commence par [r]. mais les
autres?
en fait, la règle est en deux parties: on trouve [in]
devant un mot
qui commence par une voyelle, et [] ou bien [im]
devant
un mot qui commence par une consonne. dans le cas des deux
derniers,
c'est [] qui est la forme la plus
systématique. quand
on fait des mots nouveaux en français, c'est
[] qu'on
trouve: (immontrable, immarquable, etc.). on trouve [im] dans
quelques mots anciens commençant en [m]. chacune de ces
formes
([], [in], [il] et [ir]) est un
allomorphe d'un
même morphème. on représente ce
morphème général par in-.
exercice: sur la base des formes comme [defr] et
[dezabije], identifiez les allomorphes du préfixe de- en
français.
début.
la morphologie du genre
le genre est une caractéristique du français qui
fait problème aux
apprenants. dans ce qui suit, nous examinerons quelques aspects
de
ce
phénomène.
genre et sexe
une première distinction s'impose entre
genre et sexe.
le premier concerne une distinction strictement grammaticale
entre
deux valeurs, le masculin et le féminin. ainsi, le mot
mur est
masculin, mais le mot table est féminin. par
contre, le
sexe concerne une caractéristique des êtres
animés, entre les
mâles et les femelles. il peut exister une correspondance
entre le
genre masculin et le sexe mâle (le dentiste, un ouvrier),
et
entre le
genre féminin et le sexe femelle (la professeure, une
technicienne),
mais ceci n'est pas toujours le cas: on dit la victime,
qu'il
s'agisse d'un homme ou une femme, et jusqu'à
récemment, un
guide pour un homme ou une femme.
exercice: dans un texte donné (à distribuer),
identifiez les
noms qui correspondent aux catégories suivantes:
a. un masculin désigne un être mâle.
b. un féminin désigne une femme ou une fille.
c. un masculin désigne un être de sexe inconnu.
d. un masculin désigne un groupe de personnes qui inclut d'une part des mâles et d'autre part au moins une femme ou une fille.
attribution du genre
le choix du genre pour un nom donné n'est pas
aléatoire. une variété
de facteurs entre en ligne de compte pour déterminer la
valeur. à
un premier niveau, on trouve des facteurs morphologiques. par
exemple, les mots composés à base verbale
(composés de la suite v+n)
sont masculins. ainsi, même si glace et
boîte sont féminins,
brise-glace et ouvre-boîte sont masculins.
de
même, les
verbes utilisés dans une fonction nominale sont masculins:
le
boire, le manger.
au niveau du sens, on note que certaines classes de noms
possèdent
le même genre. ainsi, les jours de la semaine sont
masculins, de même
que les mois. les noms d'arbres sont masculins (un pommier,
un
orme, un érable), mais les noms de fruits sont en
général féminins
(une pomme, une banane).
exercice: formez une liste de noms d'arbres, de fruits, et
de groupes d'arbre (ou plantations). quel système peut-on
trouver dans la relation entre les trois listes?
finalement, la composition phonologique des mots peut donner
une
indication de leur genre. les mots se terminant en [] en
[] et en [] sont en principe
masculins (cf.
le défunt, le banc, le vin), tandis que les mots
se
terminant en
[] sont en général féminins (cf.
une émotion, la
friction).
début.
l'association entre terminaison et
genre
terminaisons qui favorisent le masculin
un
1.000
banc
.993
bain
.990
peu
.974
o
pot
.972
âge
.942
m
drame
.919
paquet
.902
f
télégraphe
.890
u
cou
.877
a
débat
.826
r
bar
.750
g
catalogue
.732
y
début
.716
k
sac
.666
b
globe
.651
terminaisons qui favorisent le féminin
z
blouse
.100
i
comédie
.246
chanson
.297
n
lune
.315
v
cave
.315
j
bataille
.324
cloche
.340
d
aide
.381
s
bourse
.385
ligne
.390
terminaisons neutres en ce qui concerne le genre
p
type, lampe
.486
e
quai, bouée
.501
l
miel, épaule
.584
t
acte, date
.512
ce tableau est tiré de tucker, rigault et lambert, 1970.
la proportion indiquée (1.00, .990 etc.) est celle des
masculins dans le petit larousse illustré de 1964.
il semble que les francophones aient accès à de
tels facteurs, puisqu'ils
arrivent le plus souvent à mettre le genre qui convient.
cette capacité
est sans doute renforcée par le phénomène
d'accord, dans lequel la forme
de l'adjectif ou du déterminant signale le genre.
lorsqu'on
dit une
belle table, on marque l'accord deux fois.
alors que nous voyons une association entre
terminaison
et
genre, la structure morphologique des noms complexes
détermine normalement le genre des
inanimés.
exercice: regardez un de vos travaux en français.
quelles erreurs de genre trouvez-vous? est-ce que la
terminaison des mots auxquels vous avez donné le genre
incorrect favorise le masculin ou le féminin? est-ce que
la
structure du mot aurait pu vous aider avec le genre?
erreurs dans l'attribution du genre
les apprenants du français langue seconde ont
très
souvent énormément
de difficulté à maîtriser le genre. on
relève un grand nombre de fautes,
même parmi les apprenants relativement avancés.
qu'est-ce qui se passe?
l'une des explications vient du fait que les apprenants ont
accès à un
plus petit nombre de stratégies pour attribuer le genre.
par
conséquent,
ces stratégies sont souvent
surgénéralisées. prenons un cas
particulièrement frappant. la majorité des
anglophones qui apprennent le
français ont tendance à mettre au féminin
les
mots qui se terminent par
-e à l'écrit. c'est ainsi qu'on trouve des
formes comme
*la caractère, *la thème, *la réalisme.
cette erreur s'explique en
partie par le fait qu'il existe un grand nombre de mots
français en
-e qui sont effectivement féminins: la page,
la
table, la
lumière. tout simplement, les apprenants ont
étendu la règle à trop
de cas. et ils tendent à maintenir cette façon de
faire puisque très
souvent la stratégie donne la bonne réponse.
une stratégie un peu plus sophistiquée
amène les anglophones
(et sans doute d'autres qui apprennent le français comme
langue seconde), à attribuer au féminin un nom se
terminant
par [s] comme silence et au masculin un nom qui se termine
par [] comme rage. en fait, la majorité des noms
en
[s]
sont du féminin, et la majorité de ceux en []
sont du
masculin. silence et rage font exception à
la `règle'
affectant leur terminaison. en faisant cette erreur, les
anglophones appliquent une `règle' phonétique en la
surgénéralisant.
nous mettons le mot `règle' entre guillemets, puisque
les
terminaisons phonétiques ne fournissent que l'indice d'une
tendance en ce qui concerne le genre. si vous regardez les
noms en [], par exemple, vous verrez que, même
si 90%
sont
du masculins, certains des plus communs sont du féminin.
exercice: cherchez 10 noms masculins et 5 noms
féminins
en []; 10 noms féminins et 5 noms masculins en
[s].
lesquels des mots choisis sont les plus fréquents à
votre
avis?
une explication possible reposerait sur l'habitude des
apprenants d'utiliser des stratégies
d'évasion pour éviter
de faire une erreur de genre. par exemple, au lieu de dire
`j'ai oublié mon livre'; on dira `j'ai oublié mes
livres'.
exercice: quelles sont les stratégies d'évasion
dont vous
vous servez quand le genre d'un nom français vous
échappe?
une autre explication vient du fait que, en cas de doute, les
apprenants
ont tendance à mettre la forme
non-marquée. précisons: dans
beaucoup d'oppositions linguistiques, il existe une forme plus
simple
que l'autre. assez souvent, le singulier est plus simple que le
pluriel (cf. table - tables), le présent est plus
simple que
d'autres temps comme l'imparfait et le passé
composé
(cf.
vois - voyais - a vu). ces formes plus simples qu'on appelle
non marquées ont tendance à être
plus
fréquentes que les formes
marquées, et assez souvent on peut
remplacer une forme marquée
par une forme non marquée. ainsi, lorsque je raconte une
histoire,
je peux remplacer le passé composé et l'imparfait
par
le présent.
dans le domaine du genre, c'est le masculin qui
représente la forme
non marquée. on peut démontrer cela par sa plus
grande simplicité
(cf. grand - grande), par sa plus grande fréquence
dans les
textes, et par le fait que la combinaison du masculin et du
féminin
donne le masculin (cf. la fille et le garçon sont
contents).
en d'autres termes, le masculin représente une sorte de
défaut qu'on
met, sans nécessairement choisir. c'est cela qui explique
pourquoi
dans le français des apprenants, on trouve beaucoup de
masculins, même
dans les cas où les apprenants ont des doutes sur le
genre.
début.
la morphologie verbale
un autre domaine où la morphologie flexionnelle a son
mot
à dire est
celui de la morphologie verbale. le système verbal du
français est
assez riche et assez élégant. dans ce qui suit,
nous
examinerons
quelques-unes de ses caractéristiques. mais avant de
commencer,
retenons une chose. le but de l'analyse consiste non seulement
à
identifier les différentes formes possibles des verbes
français, mais
aussi leur contribution au sens. nous verrons qu'en tant que
système,
la morphologie verbale définit une sorte d'architecture
mentale qui
permet aux locuteurs de saisir et d'exprimer les actions dans le
temps.
formes fléchies et non fléchies
une première distinction s'impose entre les formes
fléchies
qui portent des marques de temps, de personne, de mode et de
voix,
et
les formes non fléchies, telles que
l'infinitif, le participe
présent et le participe passé, qui ne portent pas
de
telles marques.
l'infinitif, en particulier, représente le verbe dans
son
état le plus
neutre: sans spécification aucune. c'est pour cette
raison
qu'on
l'utilise dans les entrées lexicographiques (dans les
dictionnaires).
c'est aussi cela qui explique pourquoi l'infinitif peut
fonctionner
comme un nom, qui lui aussi est dépourvu de marques
temporelles,
ou de personne. ainsi, on peut dire:
marcher, c'est difficile. ce livre, c'est difficile.
j'aime marcher. j'aime ce livre.
le participe présent est presque aussi neutre que
l'infinitif, sauf
qu'il ajoute le concept d'action continue. on dira en
marchant
qui implique le déroulement du temps, mais ne
spécifie pas la personne,
le nombre, ou le point dans le temps. on peut utiliser en
marchant pour parler du passé (en marchant, j'ai vu
un loup),
du présent (en marchant, je bois mon café)
ou
du futur (en marchant, je penserai à ton offre).
le participe passé est analogue, sauf qu'il ajoute le
concept d'une
action accomplie: les enfants gâtés, les livres
lus. en outre,
le participe passé peut porter les marques de nombre et de
genre:
fini - finis - finie. par contre, il ne porte pas de
marques de
personne, de temps, de mode ou de voix.
si l'infinitif a une ressemblance frappante avec le nom, les
participes
ont une ressemblance évidente avec l'adjectif. c'est
pourquoi le
glissement entre les deux classes est assez facile.
toutes les autres formes verbales sont à mettre dans
les
formes
fléchies. ainsi, en les analysant, on
doit
tenir compte des
notions de personne, de temps, de mode et de voix.
la personne
traditionnellement, on distingue trois personnes en
français, et deux
nombres, ce qui donne le tableau de conjugaison traditionnel.
mais
en regardant plus attentivement les personnes, on constate que
leurs
sens sont assez complexes.
prenons la première personne du singulier: je
travaille. quel est
le sens de cette personne? on constate que cela signifie `la
personne
qui s'exprime'. par contre, la deuxième personne du
singulier:
tu travailles, signifie `la personne à qui on
s'adresse'.
finalement, la troisième personne du singulier il/elle
travaille
signifie `la personne ou la chose dont on parle'.
si on passe au pluriel, on note que la première
personne
ne signifie
pas simplement `je' + `je'. au contraire, c'est un sens qu'elle
ne
peut pas avoir. le nous signifie plutôt
`je'
+ `tu', ou bien
`je' + `il/elle', ou bien `je' + `tu' + `il/elle'.
pour ce qui est de la deuxième personne du pluriel, on
note que le
vous (mis à part le vous de politesse) ne
signifie pas
seulement `tu' + `tu', mais aussi `tu' + `il/elle', ou bien `tu'
+
`tu' +
`il/elle'.
par contre, la troisième personne du pluriel
ils
signifie bien
`il/elle' + `il/elle'. on constate donc que les personnes en
français
représentent une hiérarchie, dans laquelle la
première personne est
supérieure à la deuxième, et la
deuxième à la troisième.
exercice: analysez ce qui se passe lorsqu'on combine les
personnes,
dans des structures comme moi et lui, moi et toi,
toi et
lui, etc. comment doit-on conjuguer le verbe qui suit de
tels
exemples?
quelles conclusions peut-on tirer des résultats
obtenus?
sur le plan formel, il est utile de noter que la personne se
marque
surtout par le pronom. dans la langue parlée en
particulier, il existe
assez peu de terminaisons prononcées qui marquent la
personne. cela se
voit, par exemple, dans le présent et l'imparfait d'un
verbe
comme
marcher, où il n'y a que deux marques, pour la
première et pour la
deuxième personne du pluriel.
[mar]
[mar]
[tymar]
[tymar]
[ilmar]
[ilmar]
[numar]
[numarj]
[vumare]
[vumarje]
[ilmar]
[ilmar]
en français contemporain on a tendance a simplifier le
système verbal en utilisant le pronom indéfini
on avec la
troisième personne du singulier pour remplacer il,
ils,
elle, elles, nous, vous.
exercice: trouvez (des exemples de préférence
authentiques)
de phrases dans lesquelles on avec le verbe à la
troisième
presonne du singulier correspond à un des autres pronoms
indiqués ci-dessus. qu'est-ce qui vous permet de juger de
la
valeur de on dans vos exemples?
le mode
lorsqu'on parle, on se trouve dans une situation
particulière. mais en
même temps, on a la possibilité d'envisager la
réalité de diverses
façons. c'est le mode qui nous permet de le faire. on
distingue trois
modes en français: l'indicatif,
l'impératif, et le
subjonctif.
l'impératif
prenons d'abord le mode impératif. on dit à
quelqu'un: ferme la
porte. qu'est-ce que cela implique? d'abord, notons deux
choses. il
faut qu'il existe une porte ouverte pour que cette phrase soit
utilisable. deuxièmement, il faut qu'on s'adresse à
une personne (ou à un
être animé) capable de fermer la porte. il serait
bizarre de dire
ferme la porte à son stylo. et il serait bizarre de
dire
apporte-moi le mur en parlant d'un vrai mur. c'est que le
mode
impératif suppose un objectif non pas encore
réalisé, mais réalisable,
ainsi qu'un interlocuteur capable de réaliser cet
objectif.
on pourrait
donc qualifier le sens de l'impératif comme
`réalité à produire'.
le mode impératif est possible à la
deuxième personne, puisque c'est
l'interlocuteur qui est censé produire la
réalité que veut la personne
qui prononce la phrase impérative. il est aussi possible
à la première
personne du pluriel, dans certains cas. nous avons vu ci-dessus
que
nous peut signifier `je' + `il/elle' (cf. ma soeur et
moi,
nous sommes allés au cinéma). mais
l'impératif est impossible dans
ce contexte. seuls les cas où l'impératif implique
le `tu' acceptent
l'impératif: allons au cinéma.
en outre, l'impératif suppose une réalité
présente. on ne peut pas
demander à quelqu'un d'avoir fait quelque chose dans le
passé.
exercice: on classe parfois dans l'impératif des
formes
comme
qu'il s'en aille. sur la base des critères
précédents, montrez
que cette identification ne se justifie pas.
le subjonctif
le subjonctif, lui aussi, met en valeur la
réalité
d'un événement.
prenons les exemples suivants:
il est impossible qu'il soit en retard.
il est possible qu'il soit en retard.
je ne veux pas qu'il soit en retard.
je ne pense pas qu'il soit en retard.
je sais qu'il est en retard.
il sera probablement en retard.
j'espère qu'il sera en retard.
je pense qu'il est en retard.
notez que dans les quatre premiers cas, on trouve le mode
subjonctif,
tandis que dans les quatre derniers, c'est l'indicatif qui se
manifeste.
d'où vient la différence? dans les quatre premiers
cas, il s'agit d'une
situation qui met en question la réalité de
l'événement (le fait d'être
en retard). par contre, dans les quatre derniers cas, cette
réalité est
vue comme vraie et présente.
à cause d'exemples de la sorte, on peut identifier la
valeur du mode
subjonctif: le subjonctif identifie un événement
comme irréel,
c'est-à-dire, sans rapport nécessaire avec la
réalité.
l'indicatif
si l'impératif identifie un événement
qu'on
voudrait obtenir, et le
subjonctif l'irréalité d'un
événement,
l'indicatif représente une simple
constatation de la réalité, sans jugement ni
objectif
à atteindre.
lorsqu'on dit je vois ton ami, on ne fait que faire une
observation.
c'est cette absence d'élément supplémentaire
qui fait que l'indicatif
est le plus neutre des trois modes.
on peut aussi montrer la neutralité (ou en d'autres
termes, le statut
non marqué) de l'indicatif en voyant
comment il peut remplacer les deux
autres modes. ainsi, à la place de ouvre la
porte,
je peux dire
peux-tu ouvrir la porte? ou bien tu ouvriras la
porte.
de façon analogue, à la place de je ne pense
pas
qu'elle soit
fâchée je peux dire à mon avis, elle
n'est pas fâchée. par contre,
je ne peux pas remplacer toutes les occurrences de l'indicatif
par
l'impératif ou le subjonctif.
exercice: remplacez chacun des exemples suivants par un verbe
à
l'indicatif:
n'oublie pas ton manteau.
qu'il soit d'accord ou
non,
je m'en fous.
expérience: parfois en français, le subjonctif
et
l'impératif se
ressemblent formellement (sois gentil; n'ayez pas peur).
qu'est-ce
que cela suggère comme analyse?
la voix
chaque verbe représente une fonction
au
sens mathématique:
c'est-à-dire une relation entre des termes. chaque terme
mis en relation par le verbe s'appelle un
argument. voyons les
cas suivants:
pierre dort.
janine a acheté un nouvel ordinateur.
michelle donnera sa réponse à jean demain.
son frère a mis son manteau sur le lit.
la petite fille dessine un cheval avec son stylo.
dans toutes ces phrases, le verbe fournit un cadre pour un ou
plusieurs
arguments. dans la première, on trouve un seul argument
pierre
qui représente l'agent, celui qui
accomplit
l'action du verbe.
les autres agents dans les autres phrases sont janine,
michelle,
son frère et la petite fille.
dans la deuxième phrase, on trouve aussi un argument
qui
représente
la personne ou la chose influencée par l'agent: un
nouvel
ordinateur. on l'appelle le thème.
les
autres thèmes dans les
autres phrases sont sa réponse, son manteau et
un cheval.
dans la troisième phrase, on trouve une personne qui
reçoit quelque
chose de l'agent: à jean. on l'appelle le
bénéfacteur.
dans la quatrième phrase, on trouve un argument qui
indique l'endroit
qui reçoit une action: sur le lit. on l'appelle
la
destination.
finalement, dans la cinquième phrase, on trouve un
argument qui indique
l'outil utilisé pour accomplir un but: avec un
stylo. on l'appelle
l'instrument.
chaque verbe de la langue fonctionne ainsi comme le centre d'une
constellation d'arguments. les différentes voix du
système verbal servent
à manipuler la place relative des arguments par rapport au
verbe.
arguments
agent thème bénéfacteur destination instrument
la voix active
dans une phrase simple, comme celles qu'on a vues tout
à
l'heure, l'agent
du verbe est aussi le sujet grammatical de la
phrase. ce sujet
grammatical précède le verbe, tandis que les autres
arguments le suivent.
un tel arrangement s'appelle la voix active.
la voix passive
prenons les exemples suivants:
son frère a mis son manteau sur le lit.
son manteau a été mis sur le lit par son
frère.
dans le premier cas, on a la voix active. l'agent
précède le verbe, et
le thème et la destination le suivent.
par contre, dans le deuxième cas, c'est le thème
qui précède le verbe,
tandis que l'agent le suit maintenant. en outre, la forme du
verbe
a
changé: à la place de a mis, on trouve
a
été mis. nous avons
ici un exemple de la voix passive. à
quoi
est-ce que tout cela
pourrait servir? pour répondre, prenons un autre exemple:
son manteau a été mis sur le lit.
ici, c'est plus ou moins la même phrase qu'avant, sauf
que
maintenant
l'agent est disparu. on sait que le manteau est sur le lit, mais
on
ne sait pas qui l'y a mis. du point de vue de la communication,
la
phrase passive sert à promouvoir le
thème dans la position
initiale, et à abaisser la position de l'agent (parfois
jusqu'à la
disparition). or, il existe des types de discours où
justement
l'identité de l'agent est sans importance, et où
c'est l'action et le
thème qui comptent. par exemple, c'est cela qui se produit
dans le
discours scientifique. plutôt que d'écrire:
j'évacue l'air du
cylindre, on écrirait l'air est
évacué
du cylindre. la personne
qui évacue l'air n'a pas d'importance, c'est l'action qui
compte.
on voit donc que la voix passive permet de manipuler la place
des
arguments. mais que fait-elle sur le verbe? prenons quelques
cas:
les techniciens ouvrent les portes tous les jours.
les portes sont ouvertes tous les jours.
les techniciens ouvriront les portes tous les jours.
les portes seront ouvertes tous les jours.
les techniciens ouvraient les portes tous les jours.
les portes étaient ouvertes tous les jours.
les techniciens ont ouvert les portes tous les jours.
les portes ont été ouvertes tous les jours.
on voit que la voix passive se construit par le fait de
conjuguer
l'auxiliaire être à la même
façon
que le verbe principal, et
de mettre le verbe principal au participe passé.
expérience: trouvez d'autres types de discours qui
utilisent la
voix passive.
le temps
il faut se méfier du terme temps qu'on
utilise pour parler du
verbe. la ressemblance avec le nom temps qu'on utilise
dans le
langage de tous les jours pour parler du déroulement
temporel ne
veut pas dire que le temps verbal implique le
mouvement du
temps.
l'image usuelle du temps est assez simpliste. on le voit
comme
une
ligne infinie à une dimension, qui vient du passé,
touche le présent,
et s'étend vers l'avenir. le présent serait comme
une espèce de
point mouvant.
or, le présent linguistique est plus élastique.
voyons quelques exemples:
on vous appelle au souper. vous répondez: ``j'arrive''.
en
fait, vous
allez arriver. linguistiquement, vous voyez votre arrivée
future comme
un moment présent. ou encore, vous prenez une pause au
milieu d'une
journée de travail. on vous demande ce que vous faites.
vous répondez:
``je travaille''. linguistiquement, vous voyez le temps qui
entoure
le moment où vous parlez comme faisant partie du
présent. dernier
exemple: on vous réveille pour vous dire ``vous dormez
depuis deux
heures''. dans cette phrase, on utilise le présent pour
parler d'une
activité qui a eu lieu au passé.
expérience: écoutez quelqu'un qui raconte une
histoire dans
un langage spontané. relevez les occurrence du
présent. comment sait-on
qu'il s'agit quand même du passé?
tous ces exemples montrent que le temps présent est
élastique.
nous allons voir dans ce qui suit que tous les temps verbaux ont
ce
même niveau d'abstraction. plus précisément,
nous verrons que le
système verbal du français est basé sur
l'aspect, non pas sur le
temps. (l'analyse qui suit s'inspire de burger
1962.)
par l'aspect, nous voulons dire un point de vue sur la
structure
interne d'une situation. par contre, le temps verbal relie
un événement au moment d'énonciation, au
passé, au présent, ou bien
au futur. dans ce qui suit, nous examinerons une série de
temps
verbaux pour voir leur contribution au sens.
le conjecturé
prenons quelques exemples où on trouve le
morphème
-r- dans une
série de verbes. d'habitude, on appelle
futur le temps verbal
qui se manifeste dans ces cas. mais en fait, il ne s'agit pas
nécessairement d'un moment futur.
il neigera demain.
m. chrétien aura discuté du problème avec le
nouveau président.
il m'a dit qu'il serait là en fin de soirée, mais
on
ne l'a jamais vu.
dans tous les cas, le verbe décrit un
événement dont l'existence est
conjecturé par le locuteur. dans le
premier cas, le locuteur
indique le temps qu'il fera le lendemain, selon son jugement. il
ne s'agit pas d'une certitude mais d'une conjecture. de
même, dans
la deuxième phrase (qu'on trouve assez souvent dans les
journaux),
il s'agit d'un événement dont on n'a pas de
connaissances certaines.
on suppose que le premier ministre a discuté avec le
président, mais
l'emploi de aura indique la conjecture. finalement, dans
la
troisième phrase, il s'agit d'une situation qui a lieu au
passé,
comme l'indique il m'a dit, mais toujours d'une
conjecture
à partir de ce point de vue: dans le passé,
quelqu'un
a jugé qu'il
serait là à un moment postérieur.
il ne s'agit donc pas d'un temps mais d'un aspect: on envisage
l'événement dans son détail, non pas dans
son
mouvement temporel.
exercice: dans les oeuvres d'histoire, on peut utiliser un
présent historique. mais il y a aussi un
futur
historique. quel
est son sens? répondez sur la base d'exemples
authentiques.
l'inactuel
voyons maintenant quelques cas où on trouve la
terminaison []
ou [j] à l'oral, et -ais ou -i- à
l'écrit.
dans la terminologie traditionnelle, on appelle cela
l'imparfait.
je dormais quand le téléphone a sonné.
si j'avais assez d'argent, je passerais deux semaines dans le
sud.
(au sujet d'un accident) un pas de plus et j'étais mort.
je voulais vous parler.
il ne s'agit pas d'un temps passé dans tous ces cas.
si
le premier
exemple porte sur le passé, le deuxième porte sur
le
futur, le troisième
porte sur un futur possible qui dépend d'un pas de plus,
et
le dernier
porte sur le présent. donc qu'est-ce que toutes ces
phrases
ont en
commun si ce n'est pas le temps?
le point commun, c'est le fait que dans tous les cas, la
situation
décrite par le verbe est vue comme
inactuelle, ou en d'autres
termes, sans contact direct avec le locuteur. dans la
première phrase,
l'inactualité vient du fait qu'il y a deux plans dans
l'action, un
arrière-plan, où on dort, plan qui a moins
d'importance, et un premier
plan, où le téléphone sonne, plan vu comme
essentiel. dans la
deuxième phrase, il s'agit d'une possibilité
inactuelle, puisque
je n'ai pas l'argent en question. (notez la différence
qu'on
obtient
si j'envisage la situation où la présence de
l'argent
est vue comme
certaine: quand j'aurai assez d'argent..., ou bien
une
fois que j'ai assez d'argent.... dans les deux cas, le
morphème
-ais disparaît.) dans la troisième phrase,
il
s'agit d'une
situation encore inactuelle, puisque je n'ai pas fait cet autre
pas, et je suis toujours en vie. finalement, dans la
quatrième
phrase, qu'on utilise comme forme plus polie à la place de
je veux vous parler, il s'agit du moment présent, mais
je présente ma
demande comme inactuelle pour limiter sa force.
expérience: relevez d'autres cas où on utilise
l'imparfait pour parler
du non-passé.
l'accompli
le troisième et dernier aspect surgit dans les cas
où on trouve un
temps composé, formé par la combinaison du verbe
avoir ou
être suivi d'un participe passé. dans le
cas
le plus simple,
où l'auxiliaire est au présent, on parle du
passé composé. mais
s'agit-il vraiment d'un passé? voyons les exemples
suivants:
il est arrivé à trois heures et quart.
(en regardant un coureur) il a franchi la ligne d'arrivée!
(en réponse à une question) j'ai fini dans deux
minutes.
(en imaginant son avenir) j'ai obtenu mon diplôme et j'ai
trouvé un emploi.
dans le premier cas, il est effectivement question du
passé. par contre,
dans la deuxième phrase, on décrit quelque chose
qui
vient de se
produire, qui fait partie du moment actuel (ce qui le prouve,
c'est
le fait qu'on pourrait remplacer le passé composé
par
le présent ici:
il franchit la ligne d'arrivée!). et dans la
troisième et la
quatrième phrase, on envisage une situation future, soit
un
futur
très proche, soit un futur imaginaire.
ce n'est donc pas le passé qui caractérise ces
exemples. c'est plutôt
le fait que dans tous les cas, la situation est vue comme
accomplie. en d'autres termes, on voit la fin de
l'action
dans tous
les cas: la personne est bel et bien arrivée dans le
premier
cas, on
vient de franchir la ligne d'arrivée dans le
deuxième
cas, et on se
voit comme ayant fini son travail ou ses études dans les
deux derniers
cas.
on voit donc que là encore, il ne s'agit pas de temps,
mais d'aspect.
exercice: analysez la phrase suivante, assez typique en
français
canadien parlé, du point de vue de l'aspect accompli:
avoir su ça,
j'aurais jamais essayé de faire le voyage.
les combinaisons d'aspects
les trois aspects que nous venons d'identifier
(conjecturé,
inactuel,
accompli) forment le noyau du système verbal en
français. ensemble, ils
forment une sorte d'architecture mentale pour exprimer les
situations
dans leur déroulement. en partant des trois, on peut
constituer
essentiellement tous les temps verbaux. voyons quelques exemples.
nous avons vu qu'on peut dire je voulais vous parler
à la place de
je veux vous parler. le fait d'ajouter l'aspect inactuel
adoucit
la demande. mais il existe une forme même plus adoucie:
je voudrais
vous parler. dans ce cas, on combine l'aspect inactuel et
l'aspect conjecturé, pour rendre la demande aussi peu
directe que
possible.
ou encore, comparons les phrases suivantes:
j'ai fini mon devoir.
j'aurai fini mon devoir demain.
j'avais fini mon devoir quand il est arrivé.
on constate que dans la première, il y a l'aspect
accompli (porté
par le participe passé). par contre, le présent
ai ne contribue
pas d'autre aspect. dans la deuxième phrase, il y a
toujours l'aspect
accompli, mais en outre l'aspect `conjecturé', à
cause de aurai.
et dans la troisième phrase, il y a toujours l'aspect
accompli, mais
aussi l'aspect inactuel, à cause de l'imparfait. cette
dernière phrase
signifie donc un événement qui est fini, mais en
même temps distant
du locuteur.
une autre constatation importante à faire concerne la
possibilité d'une
forme non marquée, qui n'implique pas d'aspect. c'est le
présent en
français qui fonctionne comme forme verbale non
marquée. ainsi, il
est possible d'utiliser le présent pour remplacer un autre
temps lorsqu'on
parle d'un événement passé: on le fait assez
souvent quand on raconte
des histoires oralement, et c'est la base du
présent
historique.
en même temps, on peut utiliser le présent pour
parler
d'événements
futurs. par exemple, en planifiant une réunion, on peut
dire
toi,
tu expliques le problème, et moi je présente la
solution.
exercice: identifiez les modes et les aspects dans les
phrases suivantes, et trouvez leur contribution au sens:
mettez
le paquet sur la table
qu'elle soit prête ou pas,
il faut
partir
oui, je prendrais bien un jus de pomme.
début.
à lire:
burger, a. (1962) essai d'analyse d'un système de
valeurs, cahiers ferdinand de saussure 19:67-76. (res)
imbs, p. (1968) l'emploi des temps verbaux en
français moderne. paris: klincksieck. (res)
matthews, p. h. (1991) morphology
(deuxième éd.) cambridge: cambridge university
press. (res)
mok, q.i.m. (1968) contribution à l'étude
des catégories
morphologiques du genre
et du nombre dans le français parlé actuel.
the hague: mouton. (res)
surridge, m.e. (1995) le ou la? the gender of french
nouns. clevedon, philadelphia adelaide: multilingual
matters.
tucker, g.r. lambert, wallace e. rigault, a. (1977) the
french speaker's skill with grammatical gender : an
example of rule-governed behavior. the hague: mouton. (res)
tucker, richard; rigault, andré et lambert, w.r. 1970.
le
genre grammatical des substantifs en français: analyse
statistique et étude psycholinguistique. actes du xe
congrès
des linguistes,
a. grant et al. eds. bucarest: éditions
de
l'académie de la république socialiste de roumanie,
279-90.
vet, co (1980) temps, aspects et adverbes de temps en
français
contemporain. genève: droz.
début.
dernière modification: 28 décembre 1996.
veuillez signaler des problèmes d'ordre technique à
greg lessard
<lessardg@post.queensu.ca>
chapitre 4: la morphologie
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